Aides à la trésorerie: Annie Genevard présente son plan de soutien aux agriculteurs
Dans un entretien écrit accordé le 4 novembre à Agra presse, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard dévoile les modalités de mise en oeuvre des prêts garantis par l'Etat (PGE) qui doivent aider les exploitations qui ont fait face à des difficultés de trésorerie en 2024. Grâce à deux dispositifs distincts, le gouvernement visera à la fois les prêts court et long terme. La ministre précise par ailleurs le calendrier de déploiement des fonds de garantie et de portage annoncés par Marc Fesneau il y a un an ; ils seront mis en oeuvre «début 2025».
Votre gouvernement a annoncé, il y a quelques semaines, au Sommet de l'élevage, la mise en place rapide d'aide à la trésorerie, notamment des prêts garantis par l'Etat (PGE). Ce dispositif est-il toujours à l’ordre du jour ?
Une exploitation agricole, c’est une entreprise qui a des dépenses contraintes, des frais de fonctionnement, et qui doit investir. Quand il n’a plus de trésorerie, quand il ne peut plus investir, acheter des semences, réparer son matériel, payer ses traites, l’agriculteur entre dans un cycle infernal car c’est l’existence même de son exploitation qui est menacée.
Malheureusement, depuis plusieurs années, l’agriculture française est confrontée à une série de crises qui ont des conséquences lourdes sur certaines exploitations. Nous connaissons une des pires récoltes de blé des 40 dernières années, des rendements très bas pour les vendanges, une conjonction de maladies vectorielles dans les élevages... Les trésoreries sont particulièrement touchées cette année.
Depuis mon arrivée au ministère, tous les outils traditionnels ont été déclenchés : à l’assurance récolte ou la déduction de l’épargne de précaution, se sont ajoutés la majoration du taux des avances PAC, le dégrèvement de taxes sur le foncier non bâti (TNFB) dans de nombreux départements et la prise en charge de cotisations via la MSA à hauteur de 30 millions d’euros, dont j’ai débloqué les derniers 15 millions d’euros la semaine dernière. Il y a aussi la possibilité préservée des prêts bonifiés à concurrence de 150 M€ pour l’étalement des Prêts garantis par l'Etat (PGE) Covid agricoles.
J’ai également obtenu, comme vous le savez, un budget agricole très préservé malgré le contexte budgétaire contraint. En son sein, là encore, il y a des mesures d’allègements fiscaux structurels et pérennes pour soutenir la trésorerie des exploitations et donner plus de compétitivité. Je pense à l’abandon de la hausse de la taxe sur le GNR ou à la pérennisation du TODE. Je pense aussi à l’allègement du montant de TNFB dans toutes les exploitations par la hausse du dégrèvement forfaitaire de 20 à 30 %. Au total, ce sont 250 millions d’euros d’allègements de charges qui se retrouveront dès l’adoption du texte ans les cours des fermes. Dans un contexte d’économies nécessaires, le Gouvernement auquel j’appartiens a choisi ses priorités : l’agriculture en fait partie.
Mais la réalité, c’est que tout cela ne suffit pas face à la situation exceptionnelle à laquelle nous faisons face.
Comment allez mettre en œuvre le nouveau dispositif annoncé par le Premier ministre ?
Effectivement, face à la crise, et à très court terme, il faut aller plus loin avec des mesures exceptionnelles pour aider les agriculteurs à franchir le cap. J’ai obtenu que le gouvernement et les banques, chacun dans son rôle, prenne ses responsabilités dans un dispositif d’aide exceptionnel à la trésorerie des exploitations touchées en 2024 par des crises. C’est un outil conjoncturel d’urgence absolument essentiel. Deux dispositifs vont être lancés.
Un premier dispositif accompagnera les agriculteurs qui traversent des difficultés conjoncturelles, par exemple, du fait des mauvaises récoltes. Un agriculteur qui aurait déjà utilisé au moins 60% de sa dotation pour épargne de précaution et qui connaîtrait toujours de problèmes de trésorerie pourra recourir à un dispositif bancaire accordé à titre exceptionnel. Il prendra la forme de prêts de court terme (2 à 3 ans). Grâce à un effort a parts égales entre les banques et l’État, nous arriverons à diminuer drastiquement le taux d’intérêt et à le faire tendre entre 1,5 et 2%.
Le second dispositif vise à soutenir les agriculteurs qui traversent des difficultés plus structurelles du fait, par exemple, de l’impact du changement climatique en leur permettant de restructurer leur profil de dettes. Ce dispositif prendra la forme de prêts à plus long terme adossés à une garantie forte de l’Etat. Il permettra notamment de restructurer la dette des exploitations en grande difficulté. Surtout, cette garantie sera gratuite pour les exploitants car entièrement prise en charge par l’État. Ce geste est significatif : l’Etat garantirait a minima 50% du risque de ces dossiers à titre gratuit.
Je pense que ce dispositif très attendu permettra à de nombreux agriculteurs de voir la sortie du tunnel. Les préfets resteront enfin, dans le cadre habituel, vigilants pour aider les agriculteurs les plus en difficulté qui n’ont plus accès au crédit. À ce titre, et pour enrichir encore un peu plus leur panel d’outils d’urgence et d’allègement des charges en faveur des agriculteurs les plus en difficulté, j’ai obtenu de manière exceptionnelle une enveloppe complémentaire de prise en charges de cotisations MSA de 20 millions d’euros cette année, ce qui portera le montant de prise en charge à 50 millions d’euros en 2024.
Le précédent gouvernement avait annoncé, il y a un an, la mise en place d'un fonds de garantie de 2 milliards d'euros. Les agriculteurs n'en ont pas encore vu la couleur. Où en est la mise en œuvre ?
La mise en place de ce fonds de garantie a nécessité de nombreux échanges avec le fonds européen d’investissement (FEI) notamment pour fixer le cahier des charges. Dès mon arrivée, j’ai demandé à ce qu’on mette le turbo sur ce dispositif. L’arrêté fixant le conventionnement entre l’Etat et le FEI doit être publié début novembre. Le FEI devra ensuite à son tour conventionner avec les établissements bancaires qui seront chargés de distribuer ces prêts garantis. Les premiers prêts doivent donc être distribués début 2025.
De même, le précédent gouvernement avait annoncé qu'il mobilisera 400 millions d'euros pour créer un fonds de portage, sans suite jusqu'à présent. Où en est-on ?
Ces 400 millions sont dans l’enveloppe de 2 milliards d’euros évoquée ci-dessus et ils sont particulièrement essentiels. Leur mobilisation interviendra donc au même moment que le déploiement du fonds de garantie de 2 milliards d’euros, soit début 2025.
Le CGAAER a récemment travaillé sur les dispositifs d'accompagnement de l'installation. En dehors du guichet unique prévu dans la LOA, souhaitez-vous réformer ce dispositif ?
Le rapport me sera remis ce mardi par leurs auteurs et sera présenté aux jeunes agriculteurs. C’est une base de travail que nous allons étudier car le sujet de l’installation est un enjeu majeur : le renouvellement des générations et l’adaptation au changement climatique sont les deux grands défis de long-terme à relever.
J’insiste sur la LOA. Cette loi doit permettre d’améliorer la politique d’installation-transmission, en créant effectivement France Services Agriculture. Il permettra d’accompagner les porteurs de projet à l’installation et les futurs cédants en garantissant la diversité et la pluralité des acteurs associés. Les jeunes agriculteurs attendent que cette mesure soit rapidement prise : c’est pourquoi le Gouvernement, à la demande du Premier ministre, a souhaité inscrire le projet de loi d’orientation agricole dès le premier créneau de quinze jours disponible après la période budgétaire. Un texte à plusieurs centaines d’amendements ne s’examine pas en deux ou trois jours, sauf à vouloir un travail bâclé. C’est pourquoi, avec le Sénat, nous travaillons à une solution pour en débuter l’examen dès mi-janvier en séance, ce qui permettrait de réaliser l’examen en commission mi-décembre.
Dans cette nouvelle donne politique, nous devons agir vite et je suis sûre que, au nom de l’intérêt fondamental de notre Nation qui est notre agriculture, nous parviendrons, en lien avec les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale, à faire aboutir le plus rapidement possible ce projet de loi très attendu par nos agriculteurs.
Questions de Mathieu Robert