Le sur-taux de suicide des agriculteurs, un fait ancien et pluriel
La forte mortalité par suicide des agriculteurs a connu un regain d’attention depuis la crise laitière de 2009, et plus récemment depuis la sortie du film « Au nom de la terre » en septembre. Au vu du peu de littérature scientifique couvrant le phénomène, les travaux de sociologie de Nicolas Deffontaines, aujourd’hui chercheur à l’université du Havre, méritent d’être mis en lumière. Dans sa thèse très complète publiée en 2017, le sociologue nous plonge dans la complexité d’un phénomène où les crises économiques n’interviennent le plus souvent qu’en toile de fond. Et pour cause, la sur-mortalité par suicide chez les agriculteurs est observée depuis au moins quatre décennies. Statistiquement, il montre aussi que tous les agriculteurs ne sont pas égaux devant la mort volontaire : les petits exploitants et les éleveurs sont plus exposés. Enfin, en analysant la trajectoire de 28 suicidés, il identifie les facteurs principaux du suicide paysan : les difficultés d’imbrication entre le travail et la famille, les problèmes liés à la transmission de l’exploitation, l’isolement social et les pertes d’indépendance, qui peuvent être déclenchées par des crises de marché.
Le suicide en agriculture n’a jamais autant fait l’actualité. La sortie en septembre du film biographique d’Edouard Bergeon Au nom de la terre (1,7 million d’entrées) a entraîné un vrai tourbillon médiatique, qu’avait alimenté la publication des derniers chiffres de la MSA (605 assurés MSA se sont donné la mort en 2015), en juillet, et la sortie d’un livre-témoignage, Tu m’as laissée en vie, écrit par la compagne d’un agriculteur qui avait mis fin à ses jours à seulement 31 ans.