Céréales : Fesneau accélère le calendrier de l’assurance récolte
Face à une des pires moissons depuis 40 ans, le ministère de l’Agriculture a annoncé le 12 août plusieurs mesures de soutien aux céréaliers : accélération de l’assurance récolte, avances d’aides Pac, allègements de charges et mobilisation du secteur bancaire.
Alors que la France a engrangé l’une de ses pires moissons depuis 40 ans, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé le 12 août une série de mesures de soutien aux céréaliers. La Codar (Commission d’orientation et de développement des assurances récolte) se « réunira dès le mois de septembre », ce qui permettra d’accélérer le versement des indemnités de l’assurance récolte, selon un communiqué. Cette « accélération de près de six mois par rapport au calendrier habituel » devrait permettre « le cas échéant, de soulager les trésoreries dès cet automne ». Lors de cette échéance rapprochée, la Codar sera en mesure de « statuer sur les demandes de reconnaissance que les services départementaux vont faire établir d’ici la première quinzaine de septembre ». Et le ministère de préciser que « très rapidement des " tours de plaine " ont été réalisés par les directions départementales des territoires (DDT), étape indispensable pour déclencher l’indemnité de solidarité nationale (ISN) », destinée aux producteurs non assurés.
Avances de 70 % sur les aides Pac découplées
Les céréales sont la production « qui bénéficie du meilleur taux de diffusion de l’assurance récolte », avec 35 % de surfaces assurées en 2023, rappelle la Rue de Varenne. La moisson 2024 fera office de premier test grandeur nature pour le nouveau système de gestion des risques, réformé en 2023. « Cette réforme permet aux producteurs d'être plus nombreux à être aidés, et à être mieux protégés qu'ils ne l'étaient lors des dernières mauvaises récoltes, notamment celle de 2016 », a assuré Marc Fesneau sur X. Dans son communiqué, le ministère rappelle que, « pour un agriculteur assuré, ses pertes seront indemnisées, par son assureur et par l’État, à 100 % au-delà de sa franchise ». Les producteurs non assurés verront, eux, leurs pertes compensées « à hauteur de 40 % au-delà du seuil de 50 % de pertes ».
Par ailleurs, le ministère indique avoir obtenu « l’autorisation de verser, au 16 octobre, une avance de 70 % sur les aides découplées de la Pac » (soit le maximum autorisé). La Rue de Varenne rappelle aussi les autres aides disponibles pour les céréaliers : dégrèvement de la TFNB (à la main des préfets), reports des cotisations sociales (caisses locales de la MSA), épargne de précaution. « Les préfets sont en train d’activer les dégrèvements de taxe sur le foncier non bâti, là où les pertes sont établies », assure M. Fesneau.
Récolte de blé amputée d’un quart
Dernier étage de la fusée : « une solution de garantie publique pourrait être activée », selon le ministère, « afin de déployer, en lien avec les établissements bancaires, des prêts de restructuration de moyen terme ». Lors d’une réunion avec les services du ministère, les banques ont indiqué qu’« elles mettront en œuvre toutes les solutions possibles, pour chaque cas individuel, afin de limiter les difficultés économiques ». Sous pression des syndicats agricoles, Marc Fesneau avait indiqué, lors d’un déplacement en Eure-et-Loir le 29 juillet, qu’il était prêt à aider le secteur si les mauvaises récoltes se confirmaient, malgré la démission du gouvernement. « En agriculture, il n’y a réellement pas souvent d’affaires courantes ni de pause, du fait des aléas climatiques ou sanitaires de plus en plus fréquents », s’est-il justifié sur X.
« Le coup accusé par les céréaliers pourrait dépasser les 1,6 Md d’€ en 2024 », estimait l'AGPB (producteurs de blé, FNSEA) dans un communiqué le 30 juillet. Quelques jours plus tard, Agreste, le service statistique du ministère, confirmait la dégringolade de la production française de céréales, à 54,8 Mt (-15,5 %/2023 ; -14,3 %/2019-2023). En particulier, la ferme France engrange « une des plus faibles récoltes des 40 dernières années » en blé tendre, avec 26,3 Mt (-24,9 %/2023 ; -23,9 %/2019-2023), selon une note de conjoncture publéie le 9 août. Associé à des surfaces « exceptionnellement faibles » (4,2 Mha) dues aux intempéries lors des semis d’automne, le rendement moyen s’établit à 62,4 q/ha ; il chute partout, sauf sur le littoral méditerranéen, « en raison des conditions météorologiques de l’hiver 2023 ».
Le maïs attendu en hausse
La baisse est généralisée pour toutes les céréales, selon le ministère. La production de blé dur « atteindrait son plus bas niveau depuis 1997 », à 1,2 Mt (-8,3 %/2023 ; -16,6 %/2019-2023). Idem pour la production d’orge, prévue à 10,4 Mt (-15,3 %/2023 ; -12,2 %/2019-2023). L’orge d’hiver chute lourdement, à 7,2 Mt, tandis que l’orge de printemps progresse sur un an, à 3,2 Mt. Seule exception : la récolte de maïs grain – qui n’a pas commencé – est attendue en hausse, à 14 Mt (+8,4 %/2023 ; +5,4 %/2019-2023), grâce à des surfaces en progression et à un rendement dans la moyenne quinquennale (87,8 q/ha). Des prévisions provisoires « à prendre avec précaution », en raison du retard du calendrier.
[Mise à jour du 14 août : ajout de l'estimation des pertes par l'AGPB]
La récolte de blé « permettra de répondre à la demande nationale », selon Intercéréales
Bien qu’« historiquement basse », la récolte 2024 de blé tendre et de blé dur pourra « répondre à la demande nationale », tout en permettant à la France de « rester présente sur la scène internationale », affirme Intercéréales dans un communiqué le 13 août. « Cette mauvaise récolte n’aura probablement aucun impact pour les consommateurs », assure son président Jean-François Loiseau, cité dans le communiqué. À l’export, ajoute-t-il, « les volumes seront moins importants, mais ils seront en priorité fléchés vers les clients historiques et partenaires de la France », notamment européens. L’interprofession note toutefois que les « caractéristiques meunières et boulangères [sont] préservées ». « Notre filière souhaite un accompagnement ambitieux à la hauteur des enjeux de la part des pouvoirs publics », martèle son président, sans se prononcer sur les mesures de soutien annoncées le 12 août par le ministère de l’Agriculture. Alors que ces aides ne concernent que les agriculteurs, Intercéréales mentionne aussi les difficultés des organismes stockeurs, qui « devront consacrer plus de temps et d’énergie » pour le tri, le séchage et l’allotement. Quant aux transformateurs, ils « devront probablement adapter » leurs process et « seront amenés à utiliser plus de matières premières » vu la « baisse de densité des grains ».