Aux Antilles, vivre (et produire) avec la chlordécone

Trente ans après l’interdiction du pesticide chlordécone dans les bananeraies, les agriculteurs antillais apprennent à vivre avec la pollution persistante dans le sol, qui s’est infiltrée dans la ressource en eau. Une pollution qui pourrait durer plusieurs dizaines ou centaines d’années. Alors qu’un tiers des surfaces agricoles en Martinique et 20 % en Guadeloupe sont potentiellement contaminées, les agriculteurs sécurisent leurs productions grâce au soutien de l’État via le plan Chlordécone IV. Les maraîchers font des analyses de sols gratuites pour mener les cultures sensibles (tubercules, légumes racines) sur les parcelles saines. Les éleveurs de bovins décontaminent leurs bêtes grâce au dispositif de sécurisation des viandes pour éviter une perte sèche à l’abattoir. Au final, les professionnels organisés – qui sont minoritaires – se sont globalement adaptés. Ce n’est pas forcément le cas des petits détenteurs de bovins, qui pèsent pourtant plus de 50 % des parts de marché, ni des petits maraîchers ou particuliers qui irriguent les circuits informels.
Un an après son lancement en Guadeloupe en mai 2023, la marque locale de fruits et légumes garantis sans chlordécone Mòso Tè La compte une cinquantaine d’agriculteurs adhérents, sur les quelque 140 producteurs affiliés à une coopérative sur l’île. « On n’a pas eu l’engouement espéré au début, mais c’est un peu compréhensible : généralement, les gens regardent comment ça se passe avant d’adhérer », glisse Manuel Gérard, animateur de l’interprofession guadeloupéenne des fruits et légumes (Iguaflhor), à l’initiative du projet.